vendredi 15 juin 2007

Créer c'est résister, résister c'est créer...

Après avoir parlé de résistance dans mon article précédent, j'ai reçu un commentaire (merci à son auteur) qui me donne envie de revenir sur ce thème.

Tout d'abord, revenir sur l'Appel à la commémoration du 60e anniversaire du Programme du Conseil national de la Résistance du 15 mars 1944.

Le 8 mars 2004, à l'iniative du mouvement ATTAC, une conférence de presse était organisée à la Maison de l’Amérique Latine. Jacques Nikonoff, dans son introduction, mettait en avant le programme adopté dans la clandestinité par le Conseil national de la Résistance le 15 mars 1944.

"Sa mise en oeuvre, à partir de la Libération, permettra d’établir les bases de l’Etat social et d’assurer, comme dans la plupart des pays de l’Europe occidentale, un progrès social inconnu jusqu’alors, qui se poursuivra pendant près de trente années. Bien entendu, nous ne voulons pas avoir une vision unilatérale et angélique de cette période, qui connut aussi des aspects négatifs, notamment le développement du productivisme qui fera subir aux travailleurs et à l’environnement de graves dommages.
Je parlais de tabou il y a un instant, car le programme du Conseil national de la Résistance, et sa mise en œuvre, font l’objet d’un étrange silence. Comment, en effet, expliquer que la France de 1945, ruinée, crée par exemple la Sécurité sociale ; et que soixante ans plus tard, alors que les richesses ont été décuplées, les gouvernements détruisent peu à peu ses fondements (...)"

Appel à la commémoration du 60e anniversaire du Programme
du Conseil national de la Résistance du 15 mars 1944

"Au moment où nous voyons remis en cause le socle des conquêtes sociales de la Libération, nous, vétérans des mouvements de Résistance et des forces combattantes de la France Libre (1940-1945), appelons les jeunes générations à faire vivre et retransmettre l'héritage de la Résistance et ses idéaux toujours actuels de démocratie économique, sociale et culturelle.
Soixante ans plus tard, le nazisme est vaincu, grâce au sacrifice de nos frères et soeurs de la Résistance et des nations unies contre la barbarie fasciste. Mais cette menace n'a pas totalement disparu et notre colère contre l'injustice est toujours intacte.
Nous appelons, en conscience, à célébrer l'actualité de la Résistance, non pas au profit de causes partisanes ou instrumentalisées par un quelconque enjeu de pouvoir, mais pour proposer aux générations qui nous succèderont d'accomplir trois gestes humanistes et profondément politiques au sens vrai du terme, pour que la flamme de la Résistance ne s'éteigne jamais :

• Nous appelons d'abord les éducateurs, les mouvements sociaux, les collectivités publiques, les créateurs, les citoyens, les exploités, les humiliés, à célébrer ensemble l'anniversaire du programme du Conseil national de la Résistance (C.N.R.) adopté dans la clandestinité le 15 mars 1944 :
Sécurité sociale et retraites généralisées, contrôle des « féodalités économiques », droit à la culture et à l'éducation pour tous, presse délivrée de l'argent et de la corruption, lois sociales ouvrières et agricoles, etc. Comment peut-il manquer aujourd'hui de l'argent pour maintenir et prolonger ces conquêtes sociales, alors que la production de richesses a considérablement augmenté depuis la Libération, période où l'Europe était ruinée ?
Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l'ensemble de la société ne
doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l'actuelle dictature internationale des marchés financiers qui menace la paix et la démocratie.

• Nous appelons ensuite les mouvements, partis, associations, institutions et syndicats héritiers de la Résistance à dépasser les enjeux sectoriels, et à se consacrer en priorité aux causes politiques des injustices et des conflits sociaux, et non plus seulement à leurs conséquences, définir ensemble un nouveau « Programme de Résistance » pour notre siècle, sachant que le fascisme se nourrit toujours du racisme, de l'intolérance et de la guerre, qui eux-mêmes se nourrissent des injustices sociales.

• Nous appelons enfin les enfants, les jeunes, les parents, les anciens et les grandsparents, les éducateurs, les autorités publiques à une véritable insurrection pacifique contre les moyens de communication de masse qui ne proposent comme horizon pour notre jeunesse que la consommation marchande, le mépris des plus faibles et de la culture, l'amnésie généralisée et la compétition à outrance de tous contre tous. Nous n'acceptons pas que les principaux médias soient désormais contrôlés par des intérêts privés, contrairement au programme du Conseil national de la Résistance et aux ordonnances sur la presse de 1944.

Plus que jamais, à ceux et celles qui feront le siècle qui commence, nous voulons dire avec notre affection : « Créer, c'est résister. Résister, c'est créer. »"

Signataires : Lucie Aubrac, Raymond Aubrac, Henri Bartoli, Daniel Cordier, Philippe Dechartre, Georges Guingouin,Stéphane Hessel, Maurice Kriegel-Valrimont, Lise London, Georges Séguy, Germaine Tillion, Jean-Pierre Vernant, Maurice Voutey.


Puisque l'on fait ici référence à Gilles Deleuze et pour compléter la réflexion concernant la résistance - engagement ou militantisme - il me parait très intéressant de lire Miguel Benasayag.


"Une foule de personnes se demandent aujourd’hui : "Que faire ?". Il est urgent de rompre avec cette vision tout à fait imaginaire de nos vies. Les gens se vivent comme des sujets auxquels viendraient se coller des accidents, ils se comportent comme s’ils étaient au supermarché en train de faire leur choix parmi une offre immense. L’impuissance commence avec cette idée aberrante : être un sujet devant une panoplie d’engagements possibles. L’aporie est alors indépassable : en tant que sujet sans lien aucun, je ne peux jamais agir. C’est aussi là que débute la militance triste. J’ai de l’argent, du temps, la santé, je pourrais aider tel ou tel parti, telles personnes... L’individu croit compter les forces dont il dispose pour ensuite s’investir dans la société. La vie est tout autre. Nous sommes toujours déjà engagés. La question est de savoir quels sont nos énoncés, nos déterminations, par où passe le développement de notre puissance. Dans la vie des gens comme dans la vie des peuples, il n’y a pas de discontinuité. La question ne peut être qu’infinitésimale : " Qu’est-ce que je vais faire dans le demi-pas qui suit ?". Il faut cesser de penser l’engagement comme une décision du nouvel an, la résolution de devenir tout autre. Celui qui étudie ne sait pas si cela déploiera d’autres possibles mais il est déjà en train de vivre quelque chose de non capitalistique. L’engagement se fonde sur les asymétries infimes du quotidien. C’est toujours au nom du grand engagement que j’aurai demain pour la liberté que je tourne le dos à un mode de vie qui construit peu à peu les devenirs de libération. Les politiques critiquent ce qui leur apparaît comme un individualisme psychologisant. Ils ne se rendent pas compte qu’ils sont perdus dans un imaginaire bien plus terrible. On n’a jamais trouvé aucun vaccin en disant aux chercheurs : "Arrêtez toutes vos manipulations qui ne servent à rien, trouvez-nous le vaccin". La découverte du vaccin émerge grâce à un apprentissage lent et contradictoire."

source : http://1libertaire.free.fr/

Résister, c’est créer quelque chose de plus désirable que ce que le système crée . Le problème n’est pas la télé, c’est qu’on est incapable de proposer autre chose : ils sont forts car nous sommes faibles.

Tiens, tiens... Où l'on reparle de la télé...

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